Si je suis devant vous ce soir, c’est pour vous parler de ma passion. Ma passion, c’est l’argent. La monnaie. Cette passion elle m’est venue en lisant un livre qui s’appelle « l’argent coule à flots », un roman fleuve qui parle d’argent liquide et qui indique où trouver sa propre source de revenus. Mais si l’argent afflue ce n’est pas pour autant un affluant, car si certains cours d’eau se jettent parfois dans des lacs, l’argent lui se jette souvent par les fenêtres, comme dans le cas d’une addition trop salée qui peut laisser dans la bouche le goût de l’amer.
Pour faire de ma passion mon métier, j’ai décidé de suivre les cours de l’école des banquiers. Le premier cours que j’ai eu c’est le cours de la bourse. Le prof est assez dynamique, ça ne manque pas d’action… C’est un cours qui demande de l’investissement, dans lequel on ne s’économise pas et sur lequel on capitalise. Je me souviens du premier jour, où le prof a dit que qui contrôle l’argent tient le monde par les bourses. Alors, parler des choses matérielles comme l’argent ne nous empêche pas de poser des questions philosophiques. Par exemple, un élève a demandé : pourquoi des gens meurent encore de faim alors qu’il n’y a jamais eu autant de blé ? Le prof a répondu : c’est parce que comme le blé les gens sont fauchés.
J’ai un ami qui est sorti de cette école, et qui est devenu un banquier reconnu, et il me parle souvent de la vie de banquier. Il m’a par exemple dit que les banquiers pratiquaient souvent le chant, car comme il dit, dans l’art de la banque comme dans l’art du chant l’important c’est d’avoir du coffre. Il me dit que certains banquiers mauvaise langue appellent leurs banques des déchetteries. Je lui demande si c’est parce qu’on y trouve beaucoup d’argent sale, il me dit : pas du tout, mais dans les banques comme dans les déchetteries l’or reste très longtemps. Il me dit : parce qu’au milieu des déchets, l’or dure… Je lui demande si cette course au profit n’est pas néfaste. Il me dit : pour un banquier, courir après l’argent, c’est faire marcher le commerce. Le dernier conseil qu’il m’a donné est celui-ci : un banquier peut compter son argent, mais il ne peut pas compter SUR argent. Je lui demande pourquoi le sur fait une si grande différence, il me dit : parce qu’avec le sur, on se retrouve sans le sou.
Et il avait raison. Même un banquier peut subir un revers de fortune. Un soir où je compte ma monnaie, scrupuleusement, mon ami banquier m’appelle et me demande s’il peut passer chez moi. Je lui dis que son aide serait la bienvenue pour bien compter. Il me dit que s’il a pensé à moi c’est justement car les bons comptes font les bons amis. Il vient chez moi, il est méconnaissable, débraillé, sale… Il me dit qu’on a essayé de le tuer et qu’il a réfléchi à beaucoup de choses. Il me dit : j’ai perdu foi dans le métier de banquier. Quand on y pense, on nous paie pour recevoir de l’argent. Mais est-ce tout ? Une vie qui n’est faite que du bruit des pièces ne sonne-t-elle pas creux ? Je lui dit : mais enfin, écoute-toi ! Toi qui me parlait sans cesse de chercher des fonds pour toucher de l’argent ! Il me dit : c’est en cherchant de l’argent que j’ai touché le fond. Il me dit : j’ai passé ma vie à épargner de l’argent, l’argent lui ne m’a pas épargné… Il regarde un tas de pièces sur mon bureau et me dit : comme toi j’ai tout tenté pour obtenir le compte parfait, mais ce n’est que lorsqu’on a essayé de me régler mon compte que j’ai compris que mon compte était bon. Il me dit : j’espère que tu t’en tireras à bon compte, car si le temps c’est de l’argent, toi qui passe ton temps à compter ton argent, souviens que c’est ton temps qui est compté.